Les dangers de la sur-diversification

17/03/2023

Publié via : Fibee

Par Thibault Le Flanchec, PhD.

La diversification consiste à investir dans plusieurs classes d'actifs, ou dans plusieurs actions différentes, dans le dessein de limiter les risques. L'un des principes philosophiques en substruction de la diversification repose sur le fait que la plupart des investisseurs prônant ce style de gestion estiment que les risques sont exogènes, alors qu'ils sont réellement bien souvent endogènes. Un des autres principes repose sur l'ambition des gérants de ne pas sous-performer leur indice de référence.

En vérité, l'ambition n'est pas la recherche d'une performance absolue, mais la recherche d'une performance relative. Si un gérant connaît les entreprises en portefeuille par son analyse fondamentale, la diversification exagérée sera inutile, voire source de sous-performance. L'étude de Cohen, Polk et Silli[1] en est une preuve. D'après celle-ci, la recherche d'une performance relative est l'une des sources de la médiocre performance de certains gestionnaires d'actifs. Les auteurs de cette étude relativisent toutefois en indiquant que la faute n'incombe pas aux insuffisantes capacités des gérants, mais à des facteurs institutionnels souhaitant une sur-diversification des actifs. Comme l'a dit Buffett, « la diversification est une protection contre l'ignorance. Cela n'a guère de sens si vous savez ce que vous faites ».

Vraisemblablement, la diversification est utile jusqu'à une détention moyenne autour de trente entreprises en portefeuille. En effet, une étude menée par Fisher et Lorie[2] indique qu'un portefeuille contenant 32 actions (sélectionnées au hasard) réduit la distribution de 95%. Evans et Archer[3] vont encore plus loin en expliquant que 8 à 10 titres suffisent à réduire le risque d'investissement. En fait, il existe bon nombre d'études montrant qu'une sélection de 6 à 15 actions suffisent à une bonne diversification (Jennings[4] ; Fielitz[5] ; Bird et Tippett[6]; Brands et Gallagher[7]).

Dans un article publié dans l'ouvrage An Investor's Anthology, Loeb[8] exprime cette même vision en indiquant que la manière la plus sensée de gérer son capital est de le concentrer dans de bonnes situations d'investissement. Au-delà, le gestionnaire ne cherche qu'à éviter de s'éloigner de son benchmark, c'est-à-dire qu'il cherche principalement une performance relative. Pour retranscrire plus précisément les écrits de Loeb, nous devons admettre qu'il conseille tout de même à l'investisseur novice, c'est-à-dire non professionnel, de pratiquer une diversification orthodoxe[9].

La volatilité et la diversification, principes prônés par les théoriciens classiques de la finance, semblent en fait être les principales sources de la sous-performance de certains gérants, mais aussi et surtout de crises financières importantes, ce que fait ressortir le rapport post bulle internet de la Banque de France[10]. Nous pouvons également citer Buffet dont Financière de La Clarté s'inspire chaque jour:

« Nous rejetons la théorie de la diversification. Les pontes de la finance disent que notre stratégie est plus risquée que celle d'investisseurs traditionnels. Nous ne sommes absolument pas d'accord. Nous pensons que notre stratégie, qui consiste à être sélectif dans nos choix, diminue le risque, car elle nous incite à être confiant et sérieux dans chacun de nos choix[11]. »


Références :

[1] Cohen, R., Polk, C., & Silli, B. (2009). Best Ideas. Harvard.

[2] Fisher, L., & Lorie, J. (1970). Some Studies of Variability of Returns on Investments in Common Stocks. The Journal of Business, vol. 43, n° 2, pp. 99-134.

[3] Evans, J., & Archer, S. (1968). Diversification and the reduction of dispersion: An empirical analysis. The Journal of Finance, vol. 23, n° 5, pp. 761-767.

[4] Jennings, E. (1971). An Empirical Analysis of Some Aspects of Common Stock Diversification. Journal of Financial and Quantitative Analysis, vol. 6, n° 2, pp. 797-813.

[5] Fielitz, B. (1974). Indirect versus direct diversification. Financial Management, vol. 3, n° 4, pp. 54-62.

[6] Bird, R., & Tippett, M. (1986). Naive Diversification and Portfolio Risk-A Note. Management Science, vol. 32, n°2, pp. 244-251.

[7] Brands, S., & Gallagher, D. (2005). Portfolio Selection, Diversification and Fund-of-Funds : A Note. Accounting & Finance, vol. 45, n° 2, pp. 185-197.

[8] Loeb, G. (1989). Is there an Ideal Investment ? Some "don'ts" in Security Programs What to Buy-and when Diversification of Investments. Dans C. Ellis, & J. Vertin, An Investor's Anthology. The Most Interesting Ideas and Concepts from the Literature of Investing (pp. 266-276). The Institute of Chartered Financial Analyst.

[9] Loeb, G. (1965). The Battle For Investment Survival. Fraser Publishing Company. p. 120.

[10] Banque de France. (2002). Les bulles financières et leurs conséquences sur la politique monétaire et la stabilité financière. Bulletin de la Banque de France, n° 102, pp. 37-46.

[11] Buffett, W. (2009). Les écrits de Warren Buffett. Valor Éditions. p. 123.